L’ACTION DU COMITÉ DE DÉFENSE DE LA CAUSE ARMÉNIENNE ET LA RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE DES ARMÉNIENS

Par Ara Krikorian

L’action du Comité de Défense de la Cause Arménienne ne saurait être dissociée des principales initiatives qui ont été menées dans le monde depuis 1920 jusqu’à la création des CDCA en 1965. Cette période se caractérise par l’extraordinaire complexité de la situation politique et diplomatique née de la Première Guerre mondiale, une situation qui a singulièrement compliqué la tâche des Arméniens. Pourtant, tout semblait avoir bien commencé pour l’Arménie, la « petite Alliée » représentée à la conférence de la Paix de Paris en 1919, par la Délégation nationale arménienne présidée par Boghos Nubar Pacha et la Délégation de la République arménienne conduite par Avédis Aharonian. Le traité de Sèvres du 10 août 1920 reconnaît de jure la République indépendante née le 28 mai 1918, et en novembre 1920, le président des États-Unis Woodrow Wilson dessine une Arménie réunifiée de 120 000 km2. Malgré la déception provoquée par l’exclusion de la Cilicie du tracé des frontières, les Arméniens considèrent que leurs revendications sont globalement satisfaites.

Malheureusement, sur le terrain, la réalité est très différente. La soviétisation de l’Arménie et l’émergence d’un kémalisme triomphant imposent un nouveau rapport de force dont l’Arménie va progressivement devenir la victime. Insidieusement, les Grandes Puissances organisent en sous-main l’enterrement des rêves du peuple arménien. Après avoir tout ou presque tout accepté à Sèvres, elles signent son contraire à Lausanne, en juillet 1923, allant même jusqu’à abandonner l’idée d’un Foyer national arménien en Turquie, timidement proposée par Lord Curzon, ministre britannique des Affaires étrangères.

Face aux grands enjeux stratégiques qui se dessinent pendant l’entre-deux-guerres, les revendications territoriales arméniennes n’entrent plus dans les préoccupations des États. Les puissances alliées ne prennent même plus la peine de répondre aux démarches de la Délégation de la République arménienne et de la Délégation nationale arménienne. Réaliste, Boghos Nubar recentre très vite son action sur le traitement du sort des réfugiés. La Délégation de la République arménienne, proche de la Fédération révolu-tionnaire arménienne Dachnaktsoutioun (FRA), s’obstine pourtant. Elle multiplie les démarches mais, privée de moyens, se voit progressivement dénier toute légitimité politique et diplomatique, une légitimité désormais incarnée par l’Arménie soviétique, c’est-à-dire, en clair, l’Union soviétique. Pour des raisons qui mériteraient une analyse approfondie, la politique étrangère de l’URSS à l’égard de la Turquie souffle tantôt le chaud, tantôt le froid. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Staline, qui participe aux négociations de Yalta avec Roosevelt et Churchill, paraît vouloir en découdre avec son voisin du sud, la République turque. En mai 1945, peu de temps après le dépôt d’un mémorandum à l’ONU par Simon Vratzian (FRA), les partis Ramgavar et Hintchak remettent à la délégation soviétique réunie à San Francisco un texte analogue où ils demandent le rattachement des territoires de l’Arménie turque à l’Arménie soviétique. En juin de la même année, survient un événement symptomatique. Kevork VI, nouveau catholicos d’Etchmiadzin, en appelle à l’intervention de Staline sur le même thème. Il demande en prime l’organisation du retour des Arméniens vers la mère patrie. Semblant faire écho aux revendications exprimées par l’ensem-ble des organisations arméniennes, toutes sensibilités confondues, Vychinski, ministre des Affaires étrangères d’URSS, demande à la Turquie, du haut de la tribune de l’ONU, la restitution de Kars et d’Ardahan. Dans sa réponse à la Turquie, Vychinski déclare que Kars est une terre géorgienne, une réponse qui entraîne la disparition du Front national et du Comité de défense de la cause de l’Arménie turque qui s’étaient formés en 1945 à l’initiative des organisations pro-soviétiques. Enfin, en 1947, répondant à l’appel « solennel et mondial » du patron du Kremlin, 105 000 Arméniens de la diaspora (dont 7 500 de France) émigrent en Arménie soviétique. Dans ce nouveau contexte, alors qu’en octobre 1954, Malenkov confirme la position soviétique, quelle est la marge de manoeuvre de la Fédération révolutionnaire arménienne et de la Délégation de la République arménienne, présidée désormais par Hrand Samuélian depuis la mort d’Alexandre Khatissian qui avait lui-même succédé à Avédis Aharonian ? 

Émoussée par des décennies de démarches infructueuses, l’ardeur revendicative des Arméniens est à l’étiage. Le Dachnaktsoutioun, en proie au doute, se doit de reprendre l’initiative politique. Lors du Congrès mondial de 1963, au terme d’une réflexion lucide et sans complaisance, la FRA est convaincue de la nécessité d’une nouvelle stratégie. Les Comités de défense de la cause arménienne — connus sous le nom d’Armenian National Committee dans les pays anglophones — commencent à voir le jour en 1965. Quelles ont été les principales étapes de l’action menée depuis cette date jusqu’en janvier 2001 par le Comité de défense de la cause arménienne, à la fondation de laquelle j’ai participé comme représentant du Nor Seround.

I. L’émergence des CDCA 

Pour la majorité des délégués invités à réfléchir sur les nouvelles formes à donner à la stratégie revendicatrice de la FRA, la reconnaissance interna-tionale du génocide de 1915 s’impose comme une revendication prioritaire, juste, crédible et porteuse sur le plan éthique et juridique, surtout depuis l’adoption par l’Assemblée des Nations Unies de la Convention pour la répression du crime de génocide, le 9 décembre 1948. Elle induit toutes les autres revendications. 

En renversant l’ordre apparent des priorités reconnaissance internationale du génocide arménien puis revendications territoriales —, la FRA avait vu juste. Dans le sillage des cérémonies du cinquantième anniversaire du génocide et des grandes manifestations unitaires du 24 avril 1965, se constitue à Paris l’un des tout premiers Comité de défense de la cause arménienne (CDCA) au monde. Il fonctionne comme une commission politique et diplomatique de la FRA. Il n’acquiert d’existence juridique propre qu’en 1970. 

Les premiers pas

Par souci d’ouverture, le CDCA-France accueille également des non-militants. Le sens du dialogue et la réelle volonté de transparence des dirigeants dissipent la méfiance des nouveaux adhérents. Malheureusement, malgré le dégel des relations Est-Ouest et la déstalinisation en cours en URSS, les clivages politiques persistent en France. Ni l’union sacrée obtenue autour du 24 avril 1965, ni l’écho de la manifestation d’Erevan ne décrispent vraiment les relations entre la famille dachnak et les pro-soviétiques, bien que les critiques contre le régime soviétique aient pratiquement disparu des colonnes de la presse dachnak. Mieux, le Dachnaktsoutioun prône désormais sans barguigner le rattachement des territoires historiques à l’Arménie sovié-tique. La concession est de taille. Jamais la FRA n’était allée aussi loin. La mission du Comité de défense de la cause arménienne que le Dachnaktsoutioun lui confie est simple : concevoir et entreprendre des actions pour la reconnaissance nationale et internationale du génocide et pour les réparations morales et matérielles des biens spoliés par la Turquie. Ce programme se proposait donc d’être fédérateur. Les premières années du CDCA vont s’avérer assez délicates. Sans remettre en cause le principe de la journée de deuil et de mémoire traditionnellement organisée par l’Association des orphelins adultes, proche du parti dachnak, il fallait changer les habitudes. Les actions de revendication et de sensibilisation ne devaient plus être limitées à la seule journée du 24 avril, mais conduites tout au long de l’année, auprès de la classe politique, des médias, des intellectuels, du milieu associatif, etc., et plus généralement de l’opinion publique. La visite du Premier ministre turc, Nihat Erim, en février 1973 allait fournir au CDCA l’occasion d’organiser sa première manifestation publique de protestation. (Ces interpellations policières vont se répéter à intervalles réguliers et sans brutalité jusqu’au 24 avril 1978. Ce jour-là, la police pourchassera et frappera les manifestants jusqu’à l’intérieur de l’église arménienne). 

II. L’ONU et le paragraphe 30

Aux yeux des Arméniens, la date du 6 mars 1974 revêt un caractère symbolique. En effet, dans un rapport consacré à la prévention des crimes contre l’humanité et de la discrimination raciale, adopté par la Sous-commission des droits de l’homme de l’ONU, un expert rwandais ose qualifier de génocide les massacres des Arméniens de 1915. A l’ONU, c’est une grande première. Ce paragraphe, presque anodin, dans un rapport intermédiaire présenté le 6 mars 1974 lors de la trentième session de la Commission des droits de l’homme à New York, va être à l’origine d’une campagne quasi hystérique orchestrée par la Turquie.  

Il est ainsi rédigé : «Passant à l’époque conternporaine, on peut signaler l’existence d’une documentation assez abondante ayant trait au massacre des Arméniens qu’on a considéré comme le premier génocide du xxe siècle ». 

Osman Olcay, chef de la délégation turque, demande la suppression de cette phrase avec le soutien d’une dizaine de pays, dont la France et les États-Unis. L’expert rwandais, Nicodème Ruhashiankiko, qui n’avait pas prévu une telle levée de boucliers, doit répondre à une série de critiques, dont l’une justifiée, sur le caractère non scientifique d’un rapport qui s’appuie sur une documentation faible en volume et pauvre en contenu. De fait, les ouvrages cités à l’appui du paragraphe 30 sont sans doute estimables mais mineurs au regard du foisonnement des références bibliographiques accumulées depuis. Les instances régionales de la FRA et de l’Armenian National Committee, mesurant la fragilité du dossier, remettent une documentation complémentaire et engagent auprès de la classe politique américaine une campagne de sensibilisation très active. La mobilisation du Comité de défense de la cause arménienne qui s’amorce en France au mois d’avril de la même année est tout aussi vigoureuse. Deux raisons à cela. La première est liée à l’attitude du représentant français, Pierre Juvigny, clairement acquis au principe de la suppression du mot « génocide ». Invité par le CDCA à s’en expliquer lors d’une réunion publique houleuse organisée début 1975 à Paris, celui-ci rappellera que ses objections ne visaient pas le contenu du paragraphe 30, mais en critiquaient les insuffisances d’un strict point de vue juridique. L’autre raison de la mobilisation du CDCA-France vient de ce que la prochaine session de la Commission des droits de l’homme doit se dérouler dans sa sphère géographique, à Genève, en septembre 1975. Il dispose d’un peu moins de dix-huit mois pour réussir un renversement de tendance. Jamais n’a été aussi palpable l’espoir d’une reconnaissance officielle du génocide des Arméniens à l’ONU. Symétriquement, jamais l’inquiétude de la Turquie n’a été aussi vive, d’où son agressivité. Dans cet affrontement imprévu entre le pot de terre et le pot de fer, le vainqueur n’est pas désigné à l’avance. Le militantisme ne suffit plus. Pour la première fois dans l’histoire du CDCA, on entre de plain-pied dans un autre monde, celui de la politique et de la diplomatie internationales. Les tentatives de création d’une coordination interassociative ayant échoué, la direction du CDCA France — Robert Ayda-birian, Maurice Dolmadjian, Yves Kasbarian, Ara Krikorian, Jules Mardirossian, Dikran Torossian, Hraïr Torossian , décide de relever le défi. En quelques mois, elle publie des brochures d’information « L’ONU et le paragraphe 30 » et surtout lance une souscription financière nationale à partir d’un slogan (20 000 familles à 20 francs). Grâce à ce financement populaire, l’utopie devient réalisable. Le temps presse. Débats et meetings se succèdent. Celui du 6 juin 1975 au Palais des Congrès de Paris, devant plus de 3 500 personnes, rappelle les réunions arménophiles des années 1900. Les orateurs Henri Noguères, Jean-Marie Domenach, Jean-Pierre Bloch, Yves Ternon ou Jean-Marie Carzou y sont chaleureux, l’atmosphère dans le public est enfiévrée. La présence inattendue d’un vieux monsieur embarqué naguère comme mousse à bord du bateau français Jeanne d’Arc qui recueillera les rescapés du Musa Dagh, bouleverse une salle éperdue de reconnaissance. 

D’autres défis restent à relever. Surtout à New York et à Genève, là où se nouent et se dénouent les intrigues et les marchandages. En marge des débats à venir à l’ONU, dans ces couloirs et ces bureaux discrets où la bonne volonté et la candeur n’ont pas leur place, il faut apprendre les vertus de la patience, s’aguerrir contre les échecs, accepter le refus et les fins de non recevoir. Pour chacun de nous, bénévoles ardents mais inexpérimentés, le métier est nouveau. Fort heureusement, un juriste chevronné, Schavarch Toriguian — expert en droit international, membre du Bureau mondial du CDCA, délégué d’une organisation non gouvernementale puissante et très écoutée (Minority Right Groups) —, le Conseil oecuménique des Églises, Me Jules Wolf [représentant la Fédération internationale des droits de l’Homme], Nancy Holloway et quelques autres forment un bloc compact très convaincant. Nous pouvons également compter sur le soutien des représentants français (Nicole Questiaux qui a succédé à Juvigny), autrichien, argentin (Leandro Despouy), grec. Le changement d’attitude des délégués soviétique et américain, favorable à la réinsertion du paragraphe 30 dans le rapport, est inattendu mais réconfortant face à une opposition irréductible. La session en mars 1979 à Genève qui doit examiner à nouveau le rapport voit d’autres ralliements. La désignation d’un nouveau rapporteur, l’historien britannique Benjamin Whitaker, permet d’entrevoir le bout du tunnel. En août 1985, la même Sous-commission des droits de l’homme adopte le nouveau rapport qui réinsère la mention du génocide des Arméniens en son paragraphe 24. Cette première victoire ne clôt pas le chapitre. Il reste à obtenir l’aval de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Celui-ci reste toujours en suspens. Le combat inachevé du paragraphe 30 a donné lieu à une intense bataille diplomatique. Scrupuleusement consignés dans les archives, les débats officiels sont évidemment disponibles. Les discussions et les conciliabules qui entourent ce vote historique de la Sous-commission sont moins connus. Ils ont fait l’objet d’une consignation méthodique par l’équipe permanente mise en place par le CDCA.

III. La résolution du 18 juin 1987 au Parlement européen 

Dans son déroulement et dans sa conclusion, l’affaire de la résolution du 18 juin 1987 au Parlement européen n’est pas sans rappeler celle du paragraphe 30. Elle en diffère néanmoins dans sa genèse. Encouragée par l’évolution positive du combat mené en parallèle à l’ONU, le CDCA décide de s’attaquer à une autre citadelle, réputée imprenable. Les militants de la région Rhône-Alpes, emmenés par Jean Ayanian, Robert Aydabirian et Jules Mardirossian, entretiennent avec les élus socialistes de l’Isère des rapports d’amitié et de confiance. L’un d’eux, la députée socialiste Paule Duport, propose sa médiation pour intervenir auprès du Parlement européen en faveur de la reconnaissance du génocide des Arméniens. Nous sommes en 1982. Théâtre d’attentats revendiqués tantôt par le Commando des Justiciers du génocide arménien, tantôt par l’Armée Secrète Arménienne pour la Libération de l’Arménie (ASALA) ou par les deux organisations à la fois, la France vit une période d’insécurité qui ne semble pas propice à l’initiative envisagée. Après réflexion, une démarche politique, non point alternative à la lutte armée, mais comme induite par elle, ne nous apparaissait pas nécessairement vouée à l’échec. Que les parlementaires la refusent, et ils seront accusés de rester sourds à la détresse arménienne. En la jugeant recevable, ne risquent-ils pas de céder au chantage, pire, d’encourager l’action violente en ayant l’air d’y céder, de la légitimer d’une certaine façon ? 

Certains signes montrent qu’on recherche une solution honorable à ce dilemme. En janvier 1982, la cour d’assises d’Aix-en-Provence, après avoir entendu les plaidoiries de Mes Henri Leclerc et Patrick Devedjian, rend un verdict modéré dans le procès Kilndjian. Dans les médias, les jugements et les déclarations qui y sont publiées se font plus indulgents. À l’émission en direct « Table ouverte » de la Télévision suisse romande, la confrontation entre le représentant du CDCA (votre serviteur) et Yves Ternon d’un côté et, de l’autre, le professeur turc Poroy, spécialiste en droit international, venu tout exprès d’Istanbul et laborieusement épaulé par l’historien belge Anciaux, tourne à l’avantage des Arméniens, comme en portent témoignage les réactions quasi unanimes des téléspectateurs. En dépit des condamnations des attentats qui se multiplient, l’attitude sacrificielle de leurs auteurs émeut les observateurs. On cherche de plus en plus à comprendre leurs motivations. Et quand le Comité de défense de la cause arménienne en appelle à une « Solution politique pour la Question arménienne », le Parlement européen, sur la proposition de Bruno Saby, Paule Duport et Gérard Jacquet, au nom des socialistes français, et Ernest Glinne pour les socialistes belges, avec le soutien actif des Verts et de plusieurs parlementaires influents de la droite modérée, accepte le principe. Jean Vandemeulebrouck, porte-parole des Verts, est désigné comme rapporteur de la résolution qui sera soumise au vote le 18 juin 1987. Nous n’avons alors aucune certitude quant à l’issue du processus, pas plus le CDCA que l’association Solidarité franco-arménienne, animée alors par Christian Ter Stépanian et très active dans les couloirs du Parlement à Strasbourg. La veille du vote, alors que le décompte théorique des voix reflète une cruelle incertitude, tant est prégnante la pression exercée par les autorités turques, une ultime entrevue avec Saby, Glinne et Vandemeulebrouck permet de mettre au point une « mouture » acceptable. Le matin du 18 juin, plus de trois mille Arméniens accourus de France et de l’Europe tout entière, bravant le froid et la pluie, se massent devant les grilles du Parlement, difficilement contenus par les forces de l’ordre. À l’intérieur, les Arméniens présents dans les travées craignent le report des débats. En dépit de l’opposition d’une majorité de parlementaires allemands et britan-niques ainsi que de certaines abstentions, la majorité se prononce en faveur de la résolution. À l’annonce du résultat, l’émotion des manifestants est indescriptible. Les banderoles et les drapeaux tricolores arméniens, si discrets jusque-là, se déploient dans un ciel strasbourgeois devenu plus clément. 

La résolution en quinze points adoptée sous le titre « Pour une solution politique à la Question arménienne » subordonne clairement l’admission de la Turquie dans la Communauté européenne à plusieurs conditions précises, tout en condamnant, équilibre oblige, le terrorisme absurde de groupes d’Arméniens. Celle qui concerne la reconnaissance du génocide arménien est détaillée, accablante pour la Turquie, contraignante pour les institutions internationales. À la demande du député grec Kolokotronis, elle propose d’instituer le 24 avril comme « Journée de souvenir du génocide arménien ». Le point 15 de cette résolution précise que le Parlement européen « charge son président de transmettre la première résolution à la Commission, au Conseil européen, aux ministres des Affaires étrangères, au Conseil d’Association CEE / Turquie, ainsi qu’aux gouvernements turc, iranien et soviétique, et au Secrétaire Général des Nations Unies ». En 2003, c’est-à-dire quinze ans après, cette résolution n’a pas été appliquée. Les obligations faites à la Turquie sont restées sans effet. Au moment où l’Union européenne, saisie de la candidature turque, s’interroge à intervalles réguliers sur l’opportunité d’une adhésion de la Turquie, le texte de la résolution du 18 juin 1987 garde toute sa portée et son actualité, et rappelle aux États qui l’auraient oublié un impérieux et triple devoir : celui de la mémoire, celui de la cohérence et celui de la continuité.

IV. L’affaire Lewis 

En novembre 1993, Le Monde publie une interview de Bernard Lewis, islamologue et orientaliste de renommée mondiale, professeur à l’université américaine de Princeton, consacrée aux rapports entre l’islam et la politique. S’agissant du génocide des Arméniens de 1915, Bernard Lewis exprime clairement ses doutes quant à la volonté délibérée des autorités turques d’extermination de la population arménienne. Il parle de « version arménienne des faits » et, pour justifier son opinion, énumère toute une série d’arguties qui reprend de fait les thèses négationnistes habituelles développées par la Turquie. Cet entretien soulève l’indignation des Arméniens du monde entier. Deux procès en négationnisme sont intentés à Bernard Lewis, l’un au civil par le Forum des associations arméniennes de France (aujourd’hui disparu) et la LICRA sur la base de l’article 1382 du Code civil, l’autre au pénal par le Comité de défense de la cause arménienne sur le fondement de la loi Gayssot. Une procédure pénale était-elle envisageable ? Formellement non, car la loi Gayssot votée en juillet 1990 à la suite de la profanation du cimetière juif de Carpentras ne vise que les crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Au surplus, seules peuvent ester en justice les associations issues de la Résistance. Le CDCA décide néanmoins de relever l’impossible défi juridique avec le soutien des avocats de l’AFAJA (Association française des avocats et juristes arméniens) et d’un pénaliste de renom, Lev Forster, fils d’un des rescapés de la « liste de Schindler ». 

La préoccupation de la direction du CDCA est double. En risquant ce procès, elle compte d’abord sur la mobilisation d’une communauté arménienne très irritée contre Bernard Lewis, auteur d’un livre de référence publié en 1961, The Emergence of Modern Turkey, où il parlait pourtant du « terrible Holocauste qui a fait plus de un million et demi de victimes ». par quel tour de passe passe, ce meme Lewis a-t-il pu écrire son contraire plus tard ? Mystère ???.  Le Comité de défense de la cause arménienne entendait, non pas obtenir la condamnation, mais sensibiliser l’opinion publique et convaincre  le  législateur des insuffisances la loi et de la nécessité de son extension à tous les génocides. 

Le procès du 14 octobre 1994 devant la 17e Chambre du tribunal correc-tionnel de Paris nous réservera deux surprises encourageantes. Le président Montfort pouvait « tuer » le procès en invoquant d’emblée l’irrecevabilité. En décidant de joindre la forme et le fond — avec l’accord probable de la Chancellerie ? — et en refusant de réduire ce procès à sa seule dimension juridique, il autorisait la déposition des témoins rescapés, l’audition des experts cités par le CDCA (Yves Ternon et Israel Charny) et enfin les plaidoiries des avocats Tcholakian, Arapian et Forster. Comment le ministère public allait-il s’exprimer ? Ce fut la seconde surprise de ce procès. Dans ses conclusions, la jeune magistrate du Parquet allait surprendre et émouvoir les centaines de personnes entassées dans la salle d’audience. Je cite ses propos de mémoire « Les massacres des Arméniens en 1915 constituent un génocide. Quant aux propos de Monsieur Lewis, ils présentent incontestablement un caractère négationniste ». Faite au nom du peuple français, cette déclaration était une première. Elle marquait un infléchissement notable dans l’attitude des pouvoirs publics, car il était peu probable qu’elle exprimât la seule intime conviction de la représentante du ministère public. La condamnation en juin 1995 du même Bernard Lewis au civil pour manquement à ses obligations d’historien allait confirmer cette impression. Les tribunaux français, sévères avec les « terroristes » pendant la période 1975-1985, ne pouvaient rester indéfiniment insensibles à la détresse arménienne en escamotant le débat de fond sur la reconnaissance du génocide et la sanction judiciaire des négationnistes. 

V. Réévaluation de la loi Gayssot 

En dépit du retentissement médiatique de l’affaire Lewis, le vide juridique demeure. Sans doute Bernard Lewis s’est-il bien gardé de réitérer publiquement ses déclarations mensongères. Mais comment empêcher les propos négationnistes qui prolifèrent sur plusieurs sites Internet ? Comment dissuader les autorités turques, assurées d’une totale impunité, de mettre fin à leur propagande d’État anti-arménienne ? Très vite s’impose l’idée d’une modification de l’actuelle loi Gayssot. Pour le CDCA comme pour de nombreux juristes, cette loi est discriminatoire, sélective, incomplète. Pour pallier cette absence d’universalité, plusieurs parlementaires acceptent notre suggestion de rédiger un nouveau texte dans le sens d’une extension de son champ d’application. Au cours de l’année 1996, le regretté Patrick Devedjian et François Rochebloine, tous deux à titre personnel, ainsi que le Parti Socialiste et le Parti Communiste, déposent chacun une proposition de loi. Différents dans leur formulation, les textes sont assez semblables sur le fond. Sans le soutien effectif des groupes parlementaires de droite, la démarche politique du CDCA est pratiquement inopérante. Tel est bien le sentiment de Gilles de Robien, président du groupe UDF à l’Assemblée nationale, qui propose à la délégation du CDCA d’obtenir la rédaction d’une proposition de loi unique, commune à l’ensemble des groupes parlementaires. Pour des raisons encore inexpliquées, ce texte n’a jamais vu le jour.

Fallait-il attribuer ce silence à la dissolution inopinée du Parlement ou à des résistances inattendues ? Plusieurs explications. La première est qu’il ne faut jamais sous-estimer les difficultés liées au réexamen d’une loi, quelle qu’elle soit. Surtout dans un État comme la France où, par tradition et en raison de la haute idée qu’ils se font de leur mission, les législateurs répugnent à toute modification. La seconde hypothèse tient au fait que pour une majorité de parlementaires, la Shoah méritait un traitement juridique séparé. À ces objections purement formelles, il convient d’ajouter une objection de fond. On imagine mal en effet un Parlement se prononcer explicitement pour une sanction pénale des négationnistes tant que le droit national et international n’a pas reconnu le massacre des Arméniens en 1915 comme un génocide. Répondant par avance à cet argument apparemment irréfutable, les dépositaires des propositions de loi ont prévu une parade tout aussi indiscutable. Il suffisait pour cela d’étendre le champ d’application à l’ensemble des crimes contre l’humanité au sens de la Convention de Genève du 9 décembre 1948. Devenus plus familiers des couloirs de l’Assemblée nationale et du Sénat entre 1998 et 2001, nous avons pu mesurer la complexité de la machine parlementaire et l’étroitesse de la marge de manoeuvre des élus. Pour se faire entendre, les groupes politiques disposent aujourd’hui de ce qu’on appelle la niche parlementaire, qui permet l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée d’une ou deux propositions de loi par mois. Nous nous sommes bien vite rendu compte que le réexamen de la loi Gayssot ne faisait pas partie des priorités du Parlement. Notre surprise allait donc être totale quand, vingt mois plus tard, le groupe socialiste déposait, avec le succès qu’on sait, la fameuse proposition de loi sur « la reconnaissance du génocide arménien par la France ». 

VI. Le colloque de la Sorbonne : « L’actualité du génocide des Arméniens » 

En février 1997, le bureau national du Comité de défense de la cause arménienne décide d’organiser un colloque international sur le génocide arménien. Dans notre esprit, il ne s’agit pas d’une réédition du Tribunal permanent des peuples d’avril 1984. Pour la quinzaine d’experts de France réunis à l’initiative du CDCA, 1′ objectif n’ est pas de provoquer un nouveau débat contradictoire sur la qualification des massacres des Arméniens en 1915. Sur la proposition d’Yves Ternon, le comité de pilotage décide de donner au colloque un titre générique dépourvu de toute ambiguïté. Ce sera « L’actualité du génocide des Arméniens ». Le colloque s’inscrit dans une démarche de prévention des crimes contre l’humanité. Fidèle à son esprit d’ouverture, le bureau national du CDCA se refuse à intervenir directement ou indirectement dans le choix des sujets et des intervenants. Après plus d’un an de travaux préparatoires et de discussions menées avec méthode et rigueur, une trentaine d’historiens, de juristes et de philosophes venus de douze pays différents acceptent de traiter et de décliner, chacun dans sa spécialité, les quatre thèmes proposés : le sens de la recherche historique, la preuve, la mémoire et le déni, la place du génocide des Arméniens au XXe siècle. L’approche est comparatiste. Parmi les intervenants, en majorité non Arméniens, on note la présence d’intellectuels de Turquie, d’Israël et des États-Unis. Tout comme son prestigieux prédécesseur, le Tribunal permanent des peuples, le colloque se déroule dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, à la mi-avril 1998, en présence d’un public nombreux et de représentants de la presse nationale et internationale. Dans son allocation d’ouverture, Sa Sainteté Aram Ier, catholicos de Cilicie et président du Conseil mondial des Églises, déclare notamment : « L’Église arménienne a une mission particulière. Étant par excellence une Église du peuple et s’identifiant aux souffrances et aux aspirations de son peuple, l’Église arménienne a toujours joué et doit continuer à jouer un rôle primordial, restant à l’avant-garde de la lutte de son peuple pour le recouvrement de ses droits légitimes. » Sa Sainteté Karékine 1er, catholicos de tous les Arméniens, et Robert Kotcharian, président de la République d’Arménie, adressent des messages de sympathie et de soutien au CDCA3. Depuis l’affaire Lewis, les autorités turques ont intensifié leur propagande négationniste, une propagande qui touche en particulier un certain nombre d’universités américaines, copieusement arrosées de subventions et de bourses. Candidate à l’intégration dans l’Union européenne, la Turquie multiplie par ailleurs les initiatives en direction de l’Europe, et notamment en France où certains intellectuels lui prêtent une oreille plutôt complaisante. C’est le cas de Gilles Veinstein, dont la candidature à la chaire de turcologie du Collège de France soulève la colère des Arméniens, indignés par le soutien qu’il apporte publiquement à l’historien négationniste Bernard Lewis. Quelques jours après la clôture du colloque de la Sorbonne, le vote unanime de l’Assemblée nationale pour la reconnaissance du génocide ajoute à la nervosité de la Turquie qui sent la partie sur le point de lui échapper. 

VII. La reconnaissance du génocide par le Parlement français du 29 mai 1998 au 18 janvier 2001

Depuis sa création en 1965, les militants du CDCA ont orienté leur action en direction des élus français, des socialistes mais aussi des parlementaires de tous bords, pour la reconnaissance du génocide des Arméniens. Ils n’étaient pas les seuls à le faire, et cette démarche est devenue au fil des années la préoccupation, l’obsession permanente des associations arméniennes. Pour calmer les impatiences, il se trouvait toujours un ou deux parlementaires pour interpeller les gouvernements en place à l’approche du 24 avril. Selon un rituel bien réglé, ils s’attiraient invariablement des réponses stéréotypées de la part des ministres de service, de gauche comme de droite. Les consignes étaient claires. Le mot « génocide » devait être exclu du vocabulaire. En septembre 1981, premier accroc à la règle du non-dit. Claude Cheysson, ministre socialiste des Affaires étrangères, déclare « Le gouvernement déplore la position des autorités turques actuelles qui persistent à considérer les événements de 1915, non comme un génocide mais comme la répression d’une révolte concomitante à l’offensive de l’armée russe ». Quelques mois plus tard, en août 1982, Gaston Defferre, alors ministre socialiste de l’Intérieur, enfonce le clou en déclarant à la télévision : « Les Arméniens ont été victimes en 1915 d’un génocide. Ils veulent que les auteurs de ce génocide reconnaissent les faits. Ceux-ci refusent […]. » Au cours de son premier septennat, François Mitterrand, en visite à Vienne le 7 janvier 1984 à l’invitation de Louis Mermaz, maire de la ville, prononce cette phrase mémorable : « Il n’est pas possible d’effacer les traces du génocide qui vous a frappés […]. » C’est la première fois qu’un président en exercice parle de génocide. Les engagements écrits adressés au CDCA par Valery Giscard d’Estaing (1974 et 1981) étaient toujours restés au stade des intentions. Au Palais de la Mutualité, en avril 1995, les représentants des candidats à la présidence de la République, dans la contagion fiévreuse du meeting organisé par le Comité de défense de la cause arménienne et animé par le journaliste Charles Villeneuve, réitèrent les promesses de leurs candidats avec sincérité et conviction. Est-ce un tournant ? En tout état de cause, le président Mitterrand sera le premier à accueillir à l’Élysée en mars 1986, et pendant près d’une heure, une délégation mixte FRA / CDCA avec Ara Krikorian, Jules Mardirossian et Henri Papazian.

Avril 1998. Une scène étrange se déroule sur les bancs du gouvernement. C’est Ariane Chemin qui la rapporte le lendemain à la une du journal Le Monde. Au moment où Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, s’apprête à répondre à la rituelle question sur le génocide arménien, Dominique Voynet, ministre de l’Environnement, fait circuler un bout de papier où l’on peut lire : « C’est un génocide ». Plusieurs ministres acquiescent plus ou moins discrètement. Pierre Moscovici s’enhardit et répond à Patrick Devedjian qui le presse : « […] ces massacres ont revêtu le çaractère d’un génocide ». Certains observateurs ont interprété cette réponse comme un signal d’ouverture. La machine semble dès lors se débrider et certains députés socialistes y voient comme un encouragement à accomplir enfin ce geste promis depuis si longtemps à leurs amis arméniens de la famille dachnak. Peut-être se souviennent-ils des discours chaleureux de leurs aînés, (Édouard Depreux, Jean Poperen, Charles Hernu, Gaston Defferre, Daniel Mayer, Henri Noguères, Yves Jouffa, Louis Mermaz, Michel Pezet et… Lionel Jospin) prononcés au cours des meetings de soutien à la cause arménienne et à l’indépendance de l’Arménie. Le pas est franchi en mai 1998 avec le dépôt d’une proposition de loi par les députés socialistes René Rouquet (Val-de-Marne), Didier Migaud (Isère) et Jean-Paul Bret (Rhône), avec l’accord du président du groupe Jean-Marc Ayrault. La conférence des présidents de l’Assemblée nationale accepte de l’inscrire à l’ordre du jour de la session du 29 mai 1998, dans le cadre de la niche parlementaire. Désigné comme rapporteur par Jack Lang, président de la commission des Affaires étrangères, René Rouquet auditionne successivement l’historien Yves Ternon et Ara Krikorian, président du CDCA. Le groupe communiste apporte son soutien immédiat et sans réserve à l’initiative des socialistes, et de nombreux députés de droite se disent prêts à voter le texte de loi dans la formulation proposée : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». Celui-ci, qui ne désigne ni les auteurs ni le lieu, mécontente nombre d’Arméniens. Au CDCA, on s’interroge sur sa portée pratique. A-t-il l’aval du gouvernement ? De l’Élysée ? Des amendements sont-ils envisageables ? Les députés admettent le bien-fondé de nos réserves mais ne cachent pas que cette rédaction minimaliste a été le résultat d’une âpre négociation qui semble exclure toute hypothèse de durcissement. Le 29 mai 1998, la proposition de loi est adoptée à l’unanimité. Dans les travées réservées au public et sur la place Herriot où une foule compacte se trouve rassemblée, l’émotion est à son comble, l’enthousiasme indicible. Le soir même, sur toutes les chaînes de télévision et de radio, et le lendemain dans l’ensemble de la presse écrite nationale et de province, l’événement fait les gros titres. Saluée avec enthousiasme par les Arméniens du monde entier, cette première victoire impose toutefois une analyse lucide et précise des actions induites par ce vote historique. Pour bien appréhender la mécanique parlementaire, le CDCA décide, sur les conseils de Me Tcholakian (AFAJA), de commander une étude à Patrick Gaïa, expert en droit constitutionnel à la Faculté d’Aix-en-Provence. Sans mésestimer la complexité des règlements du Parlement, Patrick Gaïa fait ressortir, dans son excellente étude d’une vingtaine de pages, deux difficultés de taille susceptibles d’entraver le cours de la procédure. La première, d’ordre strictement constitutionnel, porte sur l’habilitation des parlementaires à se prononcer sur des questions de politique étrangère. Cette remarque renvoie immédiatement à la seconde objection. Selon l’article 20 de la Constitution, la responsabilité de la politique étrangère relève exclusivement du pouvoir exécutif, un pouvoir partagé entre le président de la République Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin. Cependant, en pleine période de cohabitation, aucune des deux têtes de l’exécutif ne souhaite manifestement se prononcer sur ce sujet ultrasensible. Il revenait alors au ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, d’exprimer le point de vue officiel. Il le fait sans nuance, avec une brutalité qui trahit l’embarras du pouvoir et révèle au grand jour l’incroyable pression exercée par les autorités turques. Les Arméniens sont prévenus. La procédure sera longue, hérissée d’obstacles multiples, politiques, diplomatiques, économiques. Comment s’y prendre pour assurer la victoire finale tout en préservant la cohésion des parlementaires ? Plus déterminés que jamais, farouchement attachés à leur liberté de décision, ils tiendront bon néanmoins. 

La proposition de loi doit à présent être discutée au Sénat. La conférence des présidents ne l’ayant pas inscrite à l’ordre du jour des débats de la session en cours, le pessimisme succède à l’euphorie. L’atmosphère est plus enfiévrée chez les Arméniens engagés dans le mouvement associatif, regroupé pour l’essentiel dans les « Comités du 24 avril ». D’instinct et comme inspirées par les exigences du moment, toutes les associations décident la constitution d’un front uni, regroupées dans les Comités du 24 avril dont le Comité de défense de la cause arménienne est l’un des membres fondateurs. Sur la proposition de la mouvance dachnak, un partenariat est formé entre le CDCA et les « Comités du 24 avril », le premier apportant son expérience et son expertise, le second l’irremplaçable poids de l’unité d’action. En dépit de quelques réserves et du scepticisme de certains, ce tandem a globalement bien fonctionné tout au long du combat mené au Sénat. La genèse, l’évolution et les conclusions de l’article d’Alexis Govciyan, alors président du Comité du 24 avril. Je n’y lutte pour la reconnaissance du génocide arménien constituent le coeur de reviendrais donc pas. J’ai essayé de présenter, dans ces quelques pages, l’action du Comité de défense de la cause arménienne, menée en France et en Europe entre 1965 et 2001 pour la reconnaissance du génocide des Arméniens de 1915. Cette action n’a pas été conduite en solitaire et demeure encore inachevée. Après la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement français, il reste beaucoup à faire en matière de lutte contre le négationnisme, de reconnaissance internationale du génocide, de réparation morale et matérielle des spoliations subies par le peuple arménien. La résolution du 18 juin 1987 réaffirmait son engagement en vue « de contribuer véritablement aux initiatives visant à promouvoir les négociations entre les peuples arménien et turc ». Les exigences formulées par cette résolution imposent à la Turquie des préalables et des engagements précis qui constituent le cadre naturel du dialogue dont le CDCA a constamment et fermement défendu le principe. 

En inscrivant la reconnaissance du génocide des Arméniens de 1915 dans son arsenal législatif, la France avait montré le chemin.

Ara Krikorian