Les 5 de Lisbonne, éditorial publié en 1983

EDITORIAL : Mourir pour la liberté
Publié en 1983 Journal Haïastan n°444

Le 27 juillet 1983, l’action de cinq jeunes Arméniens stupéfiait le monde. Brisant le mur du silence bâti autour de la Question Arménienne durant des décennies, cinq jeunes Arméniens proclament notre impatience à la face du monde. « La Mort ou la Liberté ». Par cette devise imprégnée dans leur conscience, ils ont montré que l’on pouvait mourir sur l’autel de la liberté; une liberté inhumainement interdite à leur peuple.

Leur acte révolutionnaire est un tournant dans les actions armées menées à ce jour. Tournant, car ils ont montré une foi indéterminée dans l’aboutissement de leurs buts. Ils ont révélé au monde entier, eux les représentants de milliers d’Arméniens, que le dur chemin vers la résolution de notre cause ne peut décourager la jeunesse arménienne, bien décidée à suivre leurs traces. Un tournant, aussi parce que par cette action, cinq jeunes Arméniens ont prouvé que les menaces lancées par les services secrets turcs et le général Evren ne peuvent rien face à la détermination. Au contraire, ce sont ces derniers qui doivent prendre garde devant les avertissements des Révolutionnaires arméniens.

Les Arméniens n’ont aucune leçon de morale à recevoir des grands de ce monde qui, ici et là, prononcent des discours sur les Droits de l’Homme. Le peuple arménien a déjà tracé son chemin de lutte pour l’obtention de ses droits imprescriptibles, que ce chemin plaise ou non à MM. Reagan et Turkman qui n’hésitent pas à bafouer les droits légitimes des peuples et nations. Et comble de l’hypocrisie, M. Turkman fait appel aux nations « civilisées » pour déployer tous leurs moyens contre ces attaques « barbares ».

Comment peut-on imaginer qu’aujourd’hui de tels actes soient qualifiés de « barbares » par les nations dites civilisées, alors que le Génocide d’un million et demi d’Arméniens, la négation de cette barbarie et l’occupation de nos terres sont passées sous silence ?

Comment le gouvernement turc, par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères, ose-t-il qualifier honteusement ces actions révolutionnaires, alors qu’il n’hésite pas, aujourd’hui encore, à massacrer des populations kurdes et que ce même monde dit civilisé reste impassible, sourd, aveugle ? Ces gens-là n’ont qu’un droit : celui de se taire.

Le caractère révolutionnaire de ces cinq Arméniens démontre que la jeunesse arménienne, négligeant la mort est prête au pire sacrifice jusqu’à ce que le monde rende hommage aux martyrs de 1915 et que soient restituées ses terres au peuple arménien.

Non, à Lisbonne, ces Arméniens ne se sont pas sacrifiés gratuitement ou pour quelques lignes dans la presse.

Il faut être aveugle pour ne pas voir la détermination de tout un peuple, symbolisé dans les corps carbonisés de ses héros.

Il faut être sourd pour ne pas entendre l’écho de leur lourd message à jamais gravé par leur action.

Il faut être muet pour passer sous silence les droits légitimes du peuple arménien.

Aujourd’hui, prenant une autre dimension, la lutte de libération nationale du peuple arménien forcera les aveugles à ouvrir grand les yeux ; car si le peuple arménien a donné des Adjemian, Daghlian, Yahneyan, Aprahamian et Kerdjlian, demain, il en donnera des milliers d’autres dont les sirènes d’alarmes perceront les oreilles des sourdes, contraignant les pays dits civilisés et les dictatures à enfin parler.

Non, leur mort n’est pas gratuite. Leur message est un exemple pour des milliers de jeunes arméniens. Leurs images seront à jamais gravées dans non mémoires.

Et demain, victorieux dans notre combat quittant notre terre d’exil pour rejoindre le Yergir, nous vous emporterons avec nous, Setrag, Vatché, Simon, Sarkis et Ara pour rejoindre l’armée des fedays, ces soldats de l’ombre, morts pour que vive le peuple Arménien.