Vous avez dit dilemme ?

Le dimanche 18 juin, les français sont de nouveau appelés aux urnes pour élire les futurs députés de la République.

Comme toutes les élections, les périodes précédents les dates fatidiques sont symboles de tensions, et celles-ci ne dérogent pas à la règle. Cependant, depuis quelques semaines maintenant, la tension se fait ressentir jusqu’au sein de la communauté arménienne.

Il est difficile en effet de ne pas avoir eu connaissance de l’affiche qui oppose dans la première circonscription de Marseille, Valérie Boyer, candidate sortante « Les Républicains », à Pascal Chamassian, qui se présente sous l’étiquette politique de « La République en Marche ».

Ces noms ne sont pas étrangers aux arméniens de France.

Valérie Boyer est députée sortante de cette circonscription, amie de longue date des Arméniens et surtout connue pour avoir porté la loi contre la négation du génocide des Arméniens.

Pascal Chamassian, professeur de danse et responsable associatif, est non moins connu puisqu’il est ex-Secrétaire général du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF).

Eu égard à ses responsabilités en tant que représentant du CCAF, lui mieux que quiconque connaît le long et fastidieux travail des associations arméniennes pour sensibiliser les politiciens français aux causes qui nous sont chères.

Boyer, fût-ce pour des raisons électorales, fait partie de ces députés dont le soutien nous a toujours été infaillible. Et voilà qu’aujourd’hui, un des ex-représentants du CCAF et donc de fait, ancien interlocuteur de Valérie Boyer décide finalement de se présenter contre elle dans la circonscription où elle est élue depuis dix ans.

Membre du CCAF, il n’hésitait pas à solliciter la présence de Boyer lors de manifestations culturelles et politiques et à se réjouir à chacune des avancées dont elle était à l’origine, notamment celles liées à la loi sur la pénalisation du génocide arménien. Aujourd’hui pourtant il décide de se dresser contre elle, motivé par les avantages que lui assure sa nouvelle étiquette La République en Marche.

Soyons clair : cet article n’a pas vocation à défendre aveuglément Valérie Boyer ou discréditer arbitrairement la candidature de Chamassian.

Au contraire, la présence d’un député d’origine arménienne à l’Assemblée nationale est une belle opportunité pour les arméniens de France. Elle l’est d’autant plus que Chamassian connaît les problématiques auxquelles nous faisons face. Libre à lui de se présenter dans n’importe laquelle des circonscriptions de la ville, il serait venu agrandir le socle des députés soutenant les arméniens.

Pourtant, il fait le choix non anodin de se présenter dans une circonscription avec une forte communauté arménienne, quitte à s’attaquer à une figure connue par les arméniens du monde entier.

Pascal Chamassian n’hésite pas à dédramatiser la situation avec un humour d’un ton douteux. Il déclare ainsi, dans un entretien accordé à la Provence, que ces élections ne consistent pas en la nomination de « Miss Arménie ». On peut légitimement s’interroger sur la pertinence de ses propos et se demander s’il aurait pu tenir le même discours dans le cas où son adversaire eut été un homme.

Surtout, en limitant ces élections à un concours de beauté, Chamassian oublie bien vite le rôle que Valérie Boyer a joué pour la cause arménienne. Il oublie la loi qu’elle a porté pour la pénalisation de la négation du génocide arménien et les menaces auxquelles elle a dû faire face dans ce cadre.

Il ferme les yeux sur la coopération systématique de Boyer pour tous les sujets concernant les arméniens, son engagement pour le règlement du conflit en Artsakh, les années qu’elle a passé en tant que Vice-Présidente du groupe d’amitié France-Arménie à l’Assemblée nationale, sans même parler de son implication pour des problématiques qui nous tiennent à cœur comme la situation des chrétiens d’Orient.

Pascal Chamassian a été responsable du CCAF, il sait à quel point il est difficile pour les associations arméniennes d’arriver à obtenir d’un député un tel niveau d’engagement. Et qu’on ne justifie pas ces positions par des motivations électorales : beaucoup d’autres députés de la République comptent dans leurs circonscriptions un nombre important d’arméniens, mais rares sont ceux qui sont aussi engagés qu’elle.

Il sait par ailleurs que ce dévouement ne nous est pas tombé du ciel et que c’est là le fruit de longues années d’engagement de la part d’associations et d’organisations arméniennes.

Par sa candidature, Chamassian choisit pourtant de piétiner le travail accompli toutes ces années par les associations arméniennes et notamment par le CCAF dont il a été un responsable important.

Décidemment aveuglé par ses ambitions personnelles, il est prêt à tout pour gagner, quitte à se présenter contre l’une de nos alliée les plus fidèles et raviver par la même occasion des clivages que l’on pensait d’un temps passé.