Garo Paylan dans l’enfer turc

Garo Paylan dans l’enfer turc

Crédits Berge Arabian

A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne connaissons pas l’issue du scrutin constitutionnel en Turquie qui vise à présidentialiser le régime, c’est-à-dire à conférer au chef de l’Etat un pouvoir très étendu.

Un putsch prétexte

La tenue de ce scrutin a été accélérée par la tentative de coup d’État de juillet 2016. Rappelons que des militaires ont tenté de renverser le pouvoir en déployant des chars dans les rues d’Istanbul. Les heurts entre manifestants pro-Erdogan et putschistes ainsi que les bombardements par les forces aériennes ont fait au total 265 morts, 1440 blessés. Avorté, le putsch a conduit l’Etat à réaliser une purge sans précédent. Pas moins de 110 000 agents ont été démis de la fonction publique, notamment des militaires, professeurs, juges, policiers… Ils sont soupçonnés d’appartenir à un mouvement pro-Gülen, principal opposant au régime d’Erdogan et accusé par ce dernier d’avoir commandité ce coup d’État depuis les USA. Cette thèse s’avère pourtant bancale. Selon Bruno Kahl, patron du renseignement extérieur allemand, le prédicateur Fethullah Gülen n’est pas à l’origine du putsch raté en Turquie.
Le Putsch a pourtant servi de prétexte pour retirer plus d’une centaine de cartes de presse, et fermer une centaine de médias. La Turquie pointe à la 151ème position (sur 180) du classement RSF. Outre les journalistes, les mouvements Kurdes ont aussi été touchés. Qualifiés de terroristes par Erdogan, des députés HDP, dont son président Selahattin Demirtaş sont aujourd’hui emprisonnés dans des conditions précaires, sans procès équitable.

Paylan, le militant arménien

Au cœur de ce chaos, Garo Paylan, député de 45 ans, turc d’origine arménienne. Il se bat quotidiennement pour la cause arménienne et pour l’amélioration des conditions de vie des minorités en Turquie. Elu du parti pro-kurde HDP, il a mené une campagne pour le « NON », « HAYIR » à cette nouvelle Constitution. Ses propos recueillis le 20 janvier 2017 dans le Sénat français témoignent de la brutalité du régime turc qui réprime dans l’impunité totale la moindre dissidence. Il affirmait courageusement « ne pas avoir le droit d’avoir peur alors que des enfants alévis et kurdes meurent chaque jour dans l’est de la Turquie sous les balles des autorités ». La peur constitue pourtant le quotidien de Garo Paylan. Lui qui ose évoquer ouvertement le Génocide des Arméniens dans le parlement turc.  L’emploi du mot Génocide lui a d’ailleurs valu plus tard une suspension de 3 séances du Parlement.

La laïcité turque menacée

En mars dernier, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Allemagne et la Suède refusaient la tenue de meetings pro-Erdogan dans leurs pays. Une position franche et claire non suivie par la France qui a accueilli des rassemblements de propagande à Metz et Lyon. S’agissant des lieux de vote, des Mosquées, ont été réquisitionnées par les Consulats turcs sur le territoire français pour y installer les bureaux de vote… Une pratique interdite par la constitution turque selon laquelle les lieux de votes doivent se dérouler dans des lieux neutres. La laïcité d’Ataturk tend à s’effriter dans une campagne où le nationalisme et l’Islam politique est exacerbé. Une période qui rappelle les heures les plus sombres de l’histoire de cet Etat.

Varenag