Depuis mon enfance, j’entends souvent les même questions : c’est quoi être arménien ? Pourquoi commémorez-vous toujours le génocide des Arméniens ?
Et chaque année qui passe me prouve un peu plus ce qu’est “être arménien”.
On nait certes, dans une famille arménienne, où la grande-mère raconte, les yeux remplis de larmes, l’histoire de ses parents… Un père qui a survécu malgré la torture qu’il a subi par les Turcs, une mère qui, quant à elle, a été jetée dans le puits vivante alors qu’on la croyait morte et qui a été, plus tard, sauvée par des inconnus, après des jours pénibles où les insectes rongeaient “son cadavre” jeté avec ceux de ses camarades dans le puits.
Et puis on grandit, jour après jour, en apprenant de nouvelles histoires des ancêtres de la voisine, des parents d’un ami, d’un camarade… et chaque histoire porte avec elle une mélancolie et même une agonie qui ne cesse de graver dans notre mémoire le nom de ces victimes de massacre. On grandit dans une famille arménienne qui nous apprend toutes les bonnes moeurs, mais qui nous nourrit aussi, sans le savoir, des qualités d’un Arménien.
Être arménien c’est affronter toutes les difficultés et les obstacles de la vie… Et comment oser baisser les bras lorsqu’on a des ancêtres qui ont vécu les périls d’un désert, sans eau ni nourriture, avec la lame de l’épée d’un Pacha au cou.
Être arménien c’est se révolter face à l’injustice du monde et être libre… Et comment oser se mettre à genoux lorsqu’on a des ancêtres qui ont été tués juste parce qu’ils étaient libres, et des intellectuels qui ont été abattus pour leurs pensées ?
Être arménien c’est être patriote, s’attacher à la terre d’une patrie… Et comment oser se délaisser d’une patrie lorsqu’on a des ancêtres qui ont été arrachés de leurs terres, envahies par des criminels ?
Enfin, être arménien c’est bâtir… Surtout lorsque l’on voit le même criminel du Génocide qui essaye, jusqu’à nos jours, de démolire des villes, de tuer des peuples et de détruire des patries.
Et pourquoi nous commémorons toujours le Génocide des Arméniens ?
Tout simplement, parce qu’ils n’ont pas changé. Le « Pacha » d’hier est devenu le président d’un état aujourd’hui, et même s’il essaye de se cacher dans le costume d’un président, il reste toujours un criminel à moustaches des années 1915.
À chaque instant, une patrie du monde peut être victime de l’épée de ce Pacha… L’Arménie hier, la Syrie dans le passé récent, l’Artsakh aujourdh’hui, et qui sait, peut-être l’Europe demain ? Parce qu’un criminel, lorsqu’il n’est pas puni pour les crimes qu’il a commis, fera naître de nouveaux criminels et se proclamera Sultan de cet empire de criminels.
En fin de compte, dans un monde d’inégalités, et devant une communauté internationale muette face à ces crimes, il faudrait continuer le combat pour la justice et sûrement être fier d’être arménien.
Chris Tchopourian