Sommes-nous tous menacés d’interdiction de territoire en Arménie ?

 

Il y a une dizaine de jours, nous apprenions par le biais de Mourad Papazian son interdiction de territoire arménien sur ordre des Services de Sécurité et du cabinet du Premier ministre Nikol Pashinyan. A son arrivée en Arménie, le co-président du CCAF voyageant avec son épouse fut arrêté, isolé plusieurs heures dans une pièce de l’aéroport avant qu’il lui soit notifié qu’il allait être renvoyé illico presto en France.


Cette annonce a été perçue comme un choc pour beaucoup d’entre nous, Arméniens de Diaspora et d’Arménie. Aujourd’hui donc, le régime Nikol Pashinyan se hisse au niveau de la Turquie fasciste qui empêche ses opposants de territoire.


Parce que oui, le seul et unique motif de cet « imbroglio Papazian » est sa position d’opposant politique au régime du Premier ministre arménien. Membre du Bureau mondial de la Fédération Révolutionnaire Arménienne, Mourad Papazian s’est exprimé à de très nombreuses reprises critiquant la politique des différents gouvernements de Pashinyan.

Quelques jours donc après la discussion téléphonique inédite entre Nikol Pashinyan et Recep Tayip Erdogan, l’un des leaders de la communauté arménienne de France, opposant notoire à la normalisation sans condition des relations entre l’Arménie et la Turquie [ndlr, en 2009, il était le leader de la manifestation contre Serge Sarkissian à Paris, contre les « Protocoles »], est empêché d’entrer en Arménie, sa Mère patrie, notre Mère patrie. Notons également qu’à quelques jours près, Ararat Mirzoyan rencontrait son homologue azéri Djeyhoun Baïramov à Tbilissi, discutant d’une « large palette de sujets relatifs à la normalisation des relations entre les deux pays», d’après les mots du Ministre des Affaires étrangères arménien.
Cette normalisation est voulue par Pashinyan et encouragée par les responsables de l’Union Européenne. Nikol Pashinyan serait-il donc prêt à tout pour mener à bien son projet ? Le timing en tous cas ne peut pas nous faire penser le contraire.


Dans un premier temps donc, le Premier ministre Pashinyan discute avec le dictateur Erdogan (on ne citera pas ici son CV en termes de violations des Droits de l’homme et de persécution des minorités notamment) d’une normalisation sans condition des relations entre les deux pays. Sans qu’il ne soit question de reconnaissance du génocide des Arméniens par la Turquie ou sans qu’il ne soit demandé à Erdogan de cesser son soutien militaire politique, tactique et technique au régime d’Aliyev, celui-là même qui a mené nos frères arméniens à la mort à l’automne 2020. Ensuite, les autorités arméniennes interdisent de territoire quelques jours après un opposant connu au régime arménien, interdit de séjour en Turquie et en Azerbaïdjan pour son travail pour la Cause arménienne.

Rappelons que Mourad Papazian est une figure emblématique de la défense des intérêts du peuple arménien en France. Depuis son plus jeune âge dans les rangs du Nor Seround, il a été de tous les combats.
Etonnement, une grande partie des supporters fidèles du Premier ministre arménien, ceux là même qui critiquent à juste titre les exactions du Président/Dictateur turc Erdogan, ceux là même qui se sont réjouis de l’interdiction de territoire de Mourad Papazian, ont bien été silencieux après la rencontre entre les deux premiers cités. Sont-ils dans une position inconfortable ? Cautionnent- ils que Nikol Pashinyan fasse ami ami avec Erdogan ?

Quant à la réponse du cabinet du Premier ministre, prétendant que Mourad Papazian avait été interdit de territoire en raison de sa participation à la manifestation anti-Pashinyan en juin 2021, elle est tout bonnement ridicule et de mauvaise foi. MP n’était pas présent à cette manifestation ; le gouvernement arménien le sait très bien. Il fallait bien tenter de justifier l’injustifiable …

Alors quid de l’avenir des Arméniens de Diaspora ? Pourront-ils tous se rendre tranquillement dans leur Mère patrie quand ils le souhaitent ? Devront-ils tous se montrer conformistes et brosser systématiquement les autorités arméniennes dans le sens du poil ? Notre liberté d’expression est menacée mais, personnellement, je ne me tairai pas pour autant. Je ne collaborerai pas avec ce régime qui veut jeter la Cause arménienne aux oubliettes. Je porterai haut ma voix pour empêcher Nikol Pashinyan de normaliser les relations avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, dont les mains sont entachées du sang indélébile de nos jeunes frères arméniens. Je ne peux concevoir que des Arméniens de la Diaspora, celles et ceux qui ont soutenu l’Arménie et la Cause arménienne pendant de très nombreuses années soient empêchés de fouler la terre qu’ils considèrent comme la leur également. Je continuerai à me battre, peu importe les bâtons qui nous sont mis dans les roues.

Dikran