Arménie/Irlande: même combat ?

Etant un grand passionné de l’Irlande, malgré le fait je n’y ai jamais mis les pieds, je trouvais souvent des liens entre leur histoire et celle des Arméniens. 

Je faisais souvent des références jusqu’au jour où quelques camarades me conseillèrent d’écrire un article pour le journal Haïastan : et c’est donc avec grand plaisir que j’ai décidé de relever ce défi.

Pour ma part, rédiger un tel article fut une grande nouveauté, car ce fut la première fois que j’ai dû effectuer une analyse et un travail de recherche poussés pour un écrit ; je me suis surtout concentré sur la période entre 1960 et 1990.

Je compare souvent le conflit Nord-Irlandais avec celui de l’Arménie et l’Artsakh.

Les Arméniens revendiquent un rattachement de l’Artsakh à l’Arménie, les Rrlandais exigent une Irlande unifiée. 

Dans cette même situation l’Angleterre, est « l’Azerbaïdjan » des Irlandais. 

Tout comme les Arméniens, les irlandais ont eu recours aux armes pour faire valoir leurs droits. 

Bien sûr il y a des rapprochements, même si ce sont différents cas : l’Irlande était plutôt dans une situation de guerre civile entre républicains et nationalistes (ceux qui se battaient pour l’union entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, principalement des catholiques), opposés aux loyalistes et unionistes (ceux qui luttaient pour le maintien de l’Irlande du Nord avec « la couronne », principalement des protestants). 

Le combat des Arméniens était décomposé en deux parties : 

  • La lutte armée pour la reconnaissance et l’existence du génocide des Arméniens 
  • La libération de l’Artsakh

J’aimerais retransmettre une déclaration de Michel Jobert au Figaro Magazine, que j’ai pu retrouver dans l’ouvrage d’Ara Krikorian – Journal d’un militant :

« Le terrorisme est inacceptable. Cependant, il faut, pour le faire cesser, tenter de comprendre les raisons objectives de sa survenue. L’analyse des origines du terrorisme montre qu’il se produit dès lors que les problèmes n’ont pas été résolus. On a toujours le choix entre résoudre et ne jamais résoudre les problèmes posés. Dans ce cas, il ne faut pas s’étonner des réactions. Prenons l’exemple du terrorisme irlandais. Il s’explique parce que la question a été occultée depuis plus d’un siècle. On peut dire tout autant de la Cause arménienne qui n’existe qu’en raison de l’indifférence de la collectivité internationale ».

Pour mieux comprendre la question irlandaise, voici quelques lignes résumées à propos de l’histoire de cette île :

  • 1494 : la couronne anglaise déclare sa domination complète sur l’île.
  • 1649 : les Irlandais tentent de profiter de l’occasion de la Première Révolution Anglaise pour retrouver leur indépendance, hélas ce fut un échec, pire, le tiers voir la moitié de la population de l’île fut massacrée.
  • 1846/1848 : Grande famine aussi appelée La crise de la pomme de terre, des millions d’Irlandais meurent ou fuient vers les Etats-Unis. Malgré la faim du peuple, la nourriture continue à être exportée en Angleterre.
  • 1914 : une loi (Home Rule) est votée afin que l’île soit autonome en restant sous la tutelle de la couronne. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en empêchera la mise en œuvre. 
  • 1916 : L’insurrection de Pâques, où différentes organisations qui formeront plus tard l’IRA (Irish Republican Army) s’emparent de différents lieux stratégiques de Dublin, et proclament la République d’Irlande. Opposés à la puissance britannique, ils ont rendu les armes après une semaine de combats acharnés. 
  • 1921 : Depuis les événements de Pâques 1916, différentes attaques continuent contre les forces britanniques sous forme de guerilla. Mais en 1921, via le traité de Londres, une partie de l’île trouve son indépendance. La guerre civile d’Irlande éclate jusqu’en 1923 en interne, car beaucoup étaient pour la poursuite de leur lutte pour une indépendance complète de l’île.

Depuis les irlandais unionistes ont tentés de rattacher le Nord de l’île, que ce soit par la voix politique ou par les armes, mais en vain.

En prenons compte de ces différents points nous pouvons nous poser les questions suivantes : est-ce qu’un lieu fort unit les Arméniens et les Irlandais ? Les Irlandais reconnaissent-ils l’Artsakh ? Pourquoi l’Irlande ne reconnaît toujours pas le génocide des Arméniens ?

Par exemple lors des séances au Parlement Européen, les votes ne se déroulent pas par pays mais par groupe politique. Donc selon les partis dans lesquels adhérent les différents parlementaires irlandais, certains votent parfois en faveur des Arméniens ou des Artsakhiotes. 

Pour la question de la reconnaissance du génocide des Arméniens par l’Irlande, j’aimerais reprendre quelques parties d’un article publié par Breizh-Info le 30 avril 2015 : 

L’Irlande ne reconnaîtra pas le génocide Arménien. Le ministère irlandais des Affaires étrangères (DFAE) a en effet reconnu les « terribles événements qui ont abouti à la mort tragique de très grands nombres de la population arménienne dans l’Empire ottoman » sans utiliser toutefois le mot génocide avant d’ajouter « comme nous le savons bien en Irlande, le processus de réconciliation et de confrontation avec le passé n’est jamais facile. En cette année de commémoration du centenaire, l’Irlande exhorte l’Arménie et la Turquie à tirer profit de toute possibilité de progresser dans leurs relations bilatérales pour le bien de leur peuple, de la région, et de leur avenir commun. »
Le communiqué ajoute que le président Michael D Higgins avait récemment exprimé la sympathie du peuple irlandais pour l’énorme souffrance des Arméniens de cette époque au président arménien Serge Sarkissian.
Ces déclarations ont provoqué la colère d’un sénateur (Mark Daly) du parti Fianna Fail, qui a estimé que c’était la pire réponse qu’il n’ait jamais vue. Ce dernier avait en effet présenté une requête devant le Comité mixte des affaires étrangères et du commerce cherchant à ce que les massacres soient reconnus comme un génocide.

Le sénateur Daly a ensuite déclaré que l’Irlande devrait suivre l’exemple de pays comme la France et le Canada, du Vatican et du Parlement européen, en reconnaissant ce qui est arrivé comme un génocide, avant de rappeler que Mustafa Kemal Ataturk, fondateur de l’Etat turc moderne, avait lui-même reconnu les événements comme une infamie avant que les islamistes aujourd’hui au pouvoir en Turquie ne fassent table rase du passé.

Le Sinn Féin, par la voix de son député Sean Crowe, a lui aussi qualifié cette non reconnaissance de position « épouvantable » et qu’il s’agissait là d’une forme de négationnisme. 

Pour conclure, dans cette même situation des points communs peuvent encore être trouvés avec les Basques, Catalans ou les Chypriotes, mais la situation de l’Artsakh reste unique à l’heure actuelle, car c’est une situation de vie et de mort où la guerre est toujours d’actualité, où des soldats et mêmes des civils sont tués régulièrement.

Hovig Vahrami