« Mort aux Arméniens ! »

« Depuis les férocités staliniennes, il ne s’est rien passé dans notre pays qui nous ait rejetés aussi loin en arrière, de la civilisation à la sauvagerie. » constataient les intellectuels soviétiques.

Alors que l’écroulement de l’empire tsariste avait suscité un immense espoir d’indépendance chez les caucasiens, les tensions inter-ethniques, ayant été masquées et jamais réellement traitées par le système soviétique, ont plongé les peuples dans des conflits sanglants (insurrection arménienne en 1921, soulèvement en Géorgie occidentale en 1924, etc.). Des peuples dont faisaient partie les Arméniens, les Azéris, les Géorgiens, etc.

Une véritable chasse à l’Arménien fut organisée à Sumgait du 26 au 27 février 1988, une ville azerbaïdjanaise comptant 18 000 arméniens sur 60 000 habitants. Les Azéris s’étaient munis de cartes sur lesquelles figuraient les lieux où la population arménienne était la plus dense. Le même processus a été enclenché pour les villes de Kirovabad le 23 novembre 1988 et Bakou, du 11 au 19 janvier 1990. Plus tard, en 1992, c’est la ville de Maragha qui abritera un pogrom anti-arménien. Ces crimes commis par les autorités azerbaïdjanaises ne peuvent être qualifiés autrement que par un génocide organisé.

Les relations entre Arméniens et Azéris n’ont jamais été simples et le facteur religieux y joue un rôle important : les Arméniens, premiers chrétiens et les Azéris, musulmans chiites, ont vécu sur des territoires communs dont le Karabakh, actuellement République d’Artsakh. L’affaiblissement de l’URSS a permis de regagner les pratiques religieuses et les tensions nationales n’ont pas manqué de favoriser le radicalisme. Le semblant de cohabitation de ces deux peuples a toujours caché une volonté de s’imposer l’un à l’autre dans le but de régler une problématique territoriale : le conflit du Haut-Karabakh.

Le découpage administratif stalinien : une bombe à retardement

Rappelons que les choix soviétiques des découpages de frontières ont été entrepris sans consulter les peuples concernés. L’apparition des conflits étaient plus qu’avérée pour les russes qui pensaient les utiliser pour exercer une pression ultérieure sur les « jeunes » Etats, qui venaient tout juste de proclamer leur indépendance.
Lorsqu’en 1921 Staline, après de vaines hésitations, décida de placer le Haut-Karabakh sous tutelle azérie alors qu’il était peuplé de 95% d’Arméniens, ces derniers comprirent très vite que cette position était compromise par les intérêts pétroliers qu’offraient Bakou. S’en suivirent inévitablement des manifestations de masse débouchant sur des affrontements et des massacres sans renom.

Le réveil des Arméniens ou le début d’une épuration ethnique

En effet, après que la perestroïka et le glasnost furent décrétés et que les Arméniens d’Artsakh réclamèrent un changement de tutelle en faveur de l’Arménie, la réaction azérie fut cruelle. Les Arméniens avaient massivement manifesté. La classe ouvrière avait même fait grève en demandant alors le rattachement de l’Artsakh à l’Arménie et une démocratisation des conditions de vie dans la jeune République arménienne.

Le vote par le « soviet régional » (conseil régional), du 20 février 1988, proclama le rattachement de l’Artsakh à la République d’Arménie.
La réponse azérie ne fut autre qu’une série d’expulsions et de massacres d’Arméniens ordonnés par le gouvernement Azéri. Des villages entiers pillés, des districts vidés et abandonnés, des meurtres sordides, des déportations forcées, des humiliations publiques, des tortures d’une violence inhumaine. En bref, la mise en oeuvre d’un nettoyage ethnique. L’horreur azérie a chronologiquement frappé les villes de Sumgait, Bakou et Kirovabad en 1988. Des milliers de victimes arméniennes succombèrent aux atrocités de l’épuration ethnique qu’avait entrepris les azéris.

Les massacres de Sumgait, Baku et Kirovabad étaient la continuation du plan de nettoyage ethnique qui avait débuté pendant le génocide des Arméniens. Les pogroms ont permis deux décennies d’agressions azerbaïdjanaises sur le territoire de l’Artsakh.

Encore aujourd’hui, le gouvernement azéri multiplie les violations de cessez-le-feu, ôtant ainsi la vie à des dizaines de soldats arméniens. Encore aujourd’hui, le gouvernement azéri procède à des falsifications historiques en propageant sa propagande haineuse. Encore aujourd’hui, la communauté internationale reste silencieuse si ce n’est complice. Jusqu’à quand devrons-nous nous bander les yeux et avancer dans l’inconnu ? Jusqu’à quand devrsons-nous subir cette haine profonde ? Ne voyez-vous pas qu’elle est bien plus forte que l’unique volonté d’anéantir le peuple arménien ?

L’arménophobie outrepasse la volonté d’une épuration physique

Alors que juridiquement le terme de génocide s’emploie à propos des actes de destruction motivés par une intention d’anéantir physiquement un peuple, les ruines psychologiques que l’on observe être de plus en plus intenses depuis plusieurs années, conduisent à l’emploi d’une notion tout aussi dramatique : le génocide culturel.

L’allié négationniste de la Turquie se dit un pays « d’harmonie et de tolérance interconfessionnelle et de coexistence pacifique de musulmans, de chrétiens et de juifs ». Rappelons qu’en décembre 2005, Nshan Topouzian, le dirigeant de l’église arménienne du nord de l’Iran, avait publié une vidéo alarmante en ligne. C’est une patrouille de la frontière iranienne qui l’avait averti du déploiement des troupes azerbaïdjanaises. L’évêque en pleurs avait filmé plus de 100 soldats azerbaïdjanais armés de marteaux, de camions à benne et de grues qui détruisaient le site sacré de Djulfa en pulvérisant les pierres tombales médiévales minutieusement sculptées dont les restes disparaissaient à leur tour, dans la rivière.

En quelques semaines, des milliers de pierres sacrées, qui honoraient de nombreux marchands arméniens médiévaux – une communauté dont les legs comprennent les premiers cafés d’Europe et le butin piraté du capitaine Kidd – ont disparu. Cet effacement témoigne d’une guerre contre l’histoire sanctionnée par l’État et qui sans doute est, le pire acte de nettoyage culturel du XXIe siècle.

Entre 1997 et 2006, le régime autoritaire en Azerbaïdjan s’est efforcé de démolir systématiquement toute trace de christianisme médiéval arménien dans la région appelée Nakhichevan (anciennement appelée République autonome de Nakhitchevan. Le bilan final comprenait 89 églises médiévales, 5 840 pierres de croix – dont la moitié se trouvait à Djulfa – et 22 000 pierres tombales. L’une des églises effacées est la majestueuse cathédrale Saint-Thomas d’Agulis, à l’origine fondée comme chapelle au Ier siècle. C’est l’une des plus anciennes au monde. Selon l’Azerbaïdjan, aucun de ces 28 000 monuments n’a été détruit: ils n’auraient jamais existé. Il s’agirait d’une « affabulation arménienne » selon Nasimi Aghayev, consul général de l’Azerbaïdjan à l’ouest des États-Unis.

Est-ce alors pour aboutir à de telles accusations que chaque année, le service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Azerbaïdjan alloue un budget de 385 063 euros ? Un État qui nie des résultats de recherches scientifiques et historiques, contraire à sa propagande nationale, est-il apte à accueillir l’exposition universelle de 2025 ?

Parce que OUI, l’Azerbaïdjan falsifie l’histoire. Parce que OUI , l’Azerbaïdjan nie le Génocide des arméniens de 1915 et les pogroms anti-arméniens. Parce que OUI, cet État liberticide concoure à des élections truquées, à des faux procès, à des détentions illégales et des répressions massives.

Infléchir la position française en faveur d’un État comme l’Azerbaïdjan est une insulte à la République française. C’est une insulte aux valeurs républicaines si chère à la France, ambassadrice des Droits de l’Homme sur toute la scène internationale…

Ne salissez pas nos aspirations humanistes. Ne pliez pas face aux pressions politiques extérieures. Ne tolérez pas l’atteinte à la liberté intellectuelle. Ne succombez pas au goût du caviar. Cessez de fournir des armes à ce pétro-Etat despotique. Cessez de concourir à l’isolement du peuple d’Artsakh. Cessez de marchander votre souveraineté, c’est aussi la notre. Engagez-vous.

L.H.