Fillon/Juppé : leurs liens avec les arméniens

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Les sept candidats à la primaire de la droite et du centre se sont prêtés au jeu des questions réponses dans le dernier numéro du magazine Nouvelle d’Arménie (n°234).

Tous se sont – naturellement – faits les défenseurs de la cause arménienne en France. Mais outre les déclarations cordiales et électoralistes, il convient de creuser la question pour comprendre les liens qui unissent chaque candidat à la communauté arménienne. Le premier tour passé, nous nous pencherons sur les cas des deux hypothétiques présidentiables à droite, à savoir Alain Juppé et François Fillon.

Ils sont tout deux candidats d’une droite réactionnaire et conservatrice dont les valeurs sont éloignées de celles de la FRA Nor Seround militant pour le progrès social, la dignité humaine et la lutte de libération nationale des peuples opprimés. Cet article souhaite ainsi seulement éclairer les positions des deux candidats quant aux combats que mènent les arméniens.

 

Sur la question de la pénalisation du négationnisme du Génocide

Alain Juppé était ministre des affaires étrangères lorsque Nicolas Sarkozy a mis le projet de loi à l’ordre du jour du Parlement, en 2011. Le maire de Bordeaux l’avait critiqué ouvertement, le qualifiant de « connerie sans nom ». Le canard enchaîné avait d’ailleurs pu recueillir les propos tenus par Alain Juppé, en conseil des ministres, fin décembre 2011.

« Je me dois de dire que si ce texte devait passer, ce ne serait pas sans conséquences économiques et diplomatiques avec les turcs. Il ne faut pas oublier que les turcs viennent de commander 100 Airbus, qu’il y a 1000 entreprises françaises en Turquie, dont Axa. J’aurais prévenu tout le monde sur les graves conséquences que cela peut avoir. Personne ne pourra dire qu’il n’a pas été informé ».  http://www.marianne.net/Genocide-armenien-pourquoi-Juppe-a-t-il-ferme-sa-gueule_a214395.html

Le premier ministre de l’époque, François Fillon était lui aussi peu enthousiaste à l’idée de faire passer une loi dite mémorielle. Il s’est tout de même abstenu de remarques et n’a pas entravé le processus législatif.

Sur l’entourage institutionnel

Alain Juppé est incontestablement un ami de la Turquie. En témoigne, sa participation à l’institut du Bosphore, think tank turc installé en Europe pour y relayer l’influence d’Ankara. Prenons l’exemple de la proposition qu’il avait faite en novembre 2011 d’abriter à Paris une commission d’historiens arméniens et turcs, chargés d’étudier la question de 1915. Alain Juppé reprenait ainsi la proposition controversée d’Ankara, inacceptable et scandaleuse pour les arméniens ; le Génocide étant une réalité qui n’est plus à prouver.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/28/la-maladresse-anti-armenienne-de-juppe-a- ankara_1609427_3232.html

François Fillon a un profil différent de son concurrent. Il s’est fait le défenseur des chrétiens d’Orient depuis la montée de l’islamisme radical dans le Levant. Sa campagne l’a d’ailleurs amené à visiter des centres de réfugiés chrétiens en Irak et en Syrie.
Sur le plan des relations internationales, François Fillon entend se tourner vers l’Est. Il entretient avec Vladimir Poutine une relation amicale. Il souhaite donc instaurer un atlantisme plus modéré, en renouant le dialogue avec Moscou. Est-ce pour autant dans l’intérêt de l’Arménie et des arméniens ? La question reste en suspens.

Sur les soutiens des candidats
François Fillon peut se targuer d’avoir dans son équipe Valérie Boyer, députée LR des Bouches-du- Rhône. La parlementaire, soutien de la première heure de François Fillon, occupe elle aussi le registre de la défense des chrétiens d’Orient. Outre sa proposition de loi visant à sanctionner le négationnisme du Génocide des arméniens en octobre 2014, elle s’engage régulièrement au côté des arméniens, notamment sur la question du Haut Karabakh, dont elle réclame la reconnaissance par la France en tant qu’Etat.

Alain Juppé compte parmi ses soutiens Patrick Devedjian. Cette alliance peut étonner lorsque l’on connait les positions du candidat sur la question arménienne. Mais la cause arménienne n’a sans doute pas été l’élément ayant motivé le choix de Patrick Devedjian. Il se justifiait dans le journal l’Opinion en affirmant : « Je soutiens Alain Juppé non par hostilité aux autres candidats de ma famille politique, mais parce qu’il est l’homme de la situation et qu’il porte la ligne politique que je crois utile à notre pays ».

Jean-François Copé, lui aussi membre de l’institut du Bosphore a rallié Alain Juppé pour le deuxième tour de la primaire de la droite.

Sur la question du Haut Karabagh

François Fillon s’est dit récemment inquiet de la situation qui régnait sur le ligne de front. Il a par ailleurs noté l’irresponsabilité de la Turquie dans ses déclaration pro-azerbaïdjanaises suite à la guerre de 4 jours d’avril 2016. Il bénéficie cependant du soutien du président du Sénat, Gérard Larcher, qui est président du groupe d’amitié avec l’Azerbaïdjan au Sénat. Par ailleurs, 100 des sénateurs ayant voté contre la loi au Sénat sont fillonistes.

Alain Juppé avait pour sa part évoqué que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes constituait « le principe fondamental de tout règlement du conflit » devant les députés en mars 2011.

Les deux laissent la responsabilité au groupe de Minsk chargé de trouver une issue au conflit.

Sur l’adhésion de la Turquie dans l’UE

La question n’est plus à l’ordre du jour, suite au vote d’une résolution (non contraignante) intervenu au parlement européen le jeudi 24 novembre 2016 qui gèle les négociations d’adhésions. Les deux candidats ont toutefois montré leur opposition à l’entrée de la Turquie au sein de l’UE.

Des engagements de dernière minute

Dernièrement, un courrier d’Alain Juppé, daté du mercredi 23 novembre 2016 adressé à Monseigneur Vahan Hovhanessian, Primat du Diocèse de France de l’église apostolique arménienne faisait l’état d’engagements que prendraient le candidat en cas de victoire à la présidentielle. Le maire de Bordeaux fait donc volte face, notamment en affirmant qu’il garantira l’application de la loi pénalisant le négationnisme. Par ailleurs, Alain Juppé affirme, décidément prêt à tout pour inverser la tendance, qu’il s’opposera également à un retour du Karabagh sous administration azérie.

Enfin, les deux candidats ont rencontrés hier, vendredi 25 novembre 2016, le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France.

 

Cependant, et c’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

SH