« La connaissance arménienne en France se meurt, de votre propre chef »

matenadaran

24 avril 2015, Paris.

Nous attendons les prises de paroles des représentants de l’Etat français devant la statue de Komitas.

Notre groupe d’ami, composé de jeunes arméniens, est engagé dans une conversation. Nous parlons de l’assimilation, et notamment de l’augmentation, selon nos observations, du nombre de mariages mixtes en France (entre une personne arménienne et une personne non arménienne). La conversation se fait en français et en arménien. Autour de nous, la foule est dense. Ils sont relativement nombreux à s’être déplacé pour le centenaire du Génocide des arméniens. C’est alors qu’un homme s’immisce dans notre conversation en s’exclamant : « Djermag Tchart »… Nous lui demandons pardon. L’homme persiste : « Djermag tchart, c’est ce dont vous être en train de parler ! ». Nous lui demandons, en français, de s’expliquer. Nous étions alors loin de nous douter que cet homme allait nous donner une leçon d’Arménité…

L’homme en question, robuste, la quarantaine, ne ressemble pas à un arménien. Et pour cause, nous avions à faire à un breton ! Fait remarquable, ce personnage atypique a continué à s’exprimer en arménien, la syntaxe quelque peu hésitante mais le vocabulaire étonnement riche.

L’homme n’est donc pas arménien. Il n’est pas même linguiste… Mais il a, selon ses dires, la passion de l’Arménie, de sa langue, de sa littérature… jusqu’à traduire de l’arménien au breton des œuvres littéraires de Raffi (Hakop Mélik Hakopian, 1835-1888).

Nous venions de prendre une première claque. Ce personnage, « étranger » , en savait plus sur la littérature arménienne que la majorité des manifestants du 24 avril.

La deuxième claque fut ressentie lorsque l’homme nous fit expressément la leçon… à raison. L’histoire arménienne « ne se limite pas au Génocide des arméniens ». La littérature arménienne, d’une richesse inestimable, est « quasi inconnue par les arméniens de France ». La connaissance arménienne en France se meurt, de « votre propre chef », nous dit-il. Et d’ajouter, « réveillez-vous ! ».

En utilisant l’expression « Djermag tchart », nous pensions que l’homme, en nous interpellant, faisait uniquement référence aux mariages mixtes en France… Mais cette rencontre a soulevé un problème profond qui traverse la diaspora arménienne de France, celui de la méconnaissance manifeste de sa langue, a fortiori de sa littérature, et donc d’un pan entier de son identité… un aspect du génocide blanc.

 

Témoignage d’un Norseroundagan